La viole de gambe est un instrument
qui ressemble un peu au violoncelle, existe en différentes tailles, peut posséder de
5 à 7 cordes, et est muni de 7 frettes (mais on peut bien sûr jouer sur toute
la longueur du manche, c’est-à-dire : bien après les frettes, en se
rapprochant du chevalet).
La volute est souvent ornée d’une
tête humaine ou d’animal sculptée ; la table, le fond, et la touche
sont parfois décorés d’incrustations (ivoire, nacre, carapace de tortue,
bois précieux, etc.), de peintures, ou d’une rosace ; quant aux ouïes,
elles peuvent prendre des formes très variées, allant du « f »,
comme celui de la famille des violons, au « C » (qui est la forme la
plus commune chez les violes), en passant par diverses formes de flammes.
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violes : Ingo Muthesius et
Philippe Rik
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Il s’agit donc d’un instrument
hybride, tenant à la fois du violoncelle et de la guitare.
Au premier coup d’œil, la viole
semble plus proche du violoncelle ; cependant, elle appartient à la famille de
la guitare, dont elle tire la partie la plus importante de son anatomie (par
exemple : les frettes, le nombre de cordes et leur accord).
D’ailleurs, bien que ses origines
restent un peu obscures, il est certain qu’elle est née de l’application
d’un archet à un instrument à cordes pincées.
Quelques tableaux de la Renaissance
illustrent clairement la transition : les joueurs sont représentés assis,
tenant l’instrument sur les genoux à la manière d’une guitare, pendant que
la main droite tente désespérément de trouver une position confortable pour
passer l’archet.
Il était donc naturel que la
position de l’instrument change progressivement de la position horizontale
vers la position verticale.
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Paolo Veronese : Noces de
Cana, 1562-1563
Musée du Louvre, Paris.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:Paolo_Veronese_008.jpg
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La théorie la plus communément
admise est que la viole naquit en Espagne pendant la seconde moitié du XVe siècle.
Plusieurs écrivains italiens de la Renaissance y font allusion et
l’instrument à cordes pincées le plus proche de la viole est certainement la
vihuela (ancêtre de la guitare) dont la forme, la taille, et l’accord
correspondent à ceux de la viole ténor.
Cependant, le jeu et la facture de la
viole semblent s’être développés d’abord en Italie.
En Allemagne, la viole était communément
appelée « violon étranger » au début du XVIe siècle.
En Angleterre, un ensemble de violes
de tailles variées apparaît pour la première fois dans les registres des
musiciens du roi en 1540 : il s’agit de 6 musiciens italiens provenant de
Crémone, Milan et Venise.
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vihuela
(Pierre Lafosse) et 2 basses de viole (Philippe Rik)
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Une chose est certaine :
l’apparence extérieure de la viole évolua considérablement pendant les 100
premières années de son existence.
Le nombre de cordes était également
variable : les violes à 6 cordes étaient les plus courantes, mais on
trouve des violes à 5 cordes à tous les stades de son évolution.
On attribue au Sieur de Sainte
Colombe l’ajout d’une 7ème corde à la basse de viole française,
au XVIIe siècle, afin d’en augmenter le registre dans les graves.
Bien que l’accord soit variable
(principalement dans le cas des partitions écrites en tablatures, fréquentes
en Angleterre au XVIIe siècle), il était généralement formé de quartes et
d’une tierce, comme pour la guitare (mais la tierce ne se trouvait pas au même
échelon).
Quant aux différentes tailles, de la
plus petite (donc : la plus aiguë) à la plus grande (la plus grave),
elles portent principalement les noms de « pardessus de viole »,
« dessus de viole »,
« ténor de viole », « basse de viole », et « violone ».
Très souvent utilisées en « consorts »,
c’est-à-dire : en famille de différentes tailles pour jouer des parties
de tessitures variées, elles pouvaient accompagner des chanteurs, à la manière
du luth, ou se suffire à elles-mêmes.
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Jan
Brueghel : Le sens de l’Ouïe, vers 1620
Musée del Prado, Madrid.
http://museedelaguitare.free.fr/xvii/xvii.php
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Avec une étendue de près de 4
octaves et la possibilité de jouer des accords, l’instrument était
parfaitement adapté à un jeu de soliste également, et c’est la basse qui a
émergé de la famille comme étant l’instrument roi pour cette pratique
virtuose. Il existe une littérature très riche pour la basse de viole aux
XVIIe et XVIIIe siècles dans toute l’Europe.
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Jean-Baptiste
Antoine Forqueray (1699-1782)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:JPA_Forqueray_%281%29.gif
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Finalement, délogée par la famille
du violon, plus sonore et plus virtuose, la famille des violes a sombré dans
l’oubli pendant près de deux siècles (beaucoup de basses de viole ont
d’ailleurs terminé leur existence transformées en violoncelles).
Elle doit sa renaissance, au XXe siècle,
aux recherches de quelques musiciens et luthiers amateurs de musique ancienne,
soucieux de retrouver les sonorités subtiles de l’époque.
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(photo : Jean-Louis Charbonnier,
avec son aimable autorisation)
http://pagesperso-orange.fr/fmad
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